dimanche 11 octobre 2020

L'Arche de Nabe

 

Chat vert, Nabe, 1983, encre et aquarelle, 24x32cm
                                       

Quelques exemples de l’utilisation des animaux et des insectes dans l’œuvre du peintre, écrivain et  jazzman Marc-Édouard Nabe.

      Les insectes 

 1) Le Taon

- Alain Zannini (roman, 2002) : Scène de la piqûre de taon sur le gland de Nabe qui préfigure deux thèmes importants du livre à savoir le temps et le sexe. Le temps passé écrit dans son journal intime perdu quelque part à Patmos et le souvenir de ses amours…(à noter qu’il existe une étude exhaustive intitulée “Le Bestiaire d’Alain Zannini de Johann Cariou qui répertorie tous les animaux dans ce roman et lisible dans L’affaire Zannini)

"-AHHHHHHHHR ! ! ! c’est à peu près le cri que je poussai lorsque le taon, sans vouloir la fin de ma phrase, me piqua. Et pas n’importe où… Au sexe ! Certainement ravi de m’avoir joué un si bon tour, le salaud prit la poudre d’escampette… Je l’entendis encore vrombir, mais déjà au loin, irrattrapable, impuni…”

 - Au régal des vermines (essai, 1985) :

"Les amis, ça me rappelle toujours le réveillon. Quel mot horrible ! Il m’a toujours blessé. Réveillon ! Aiguillon ! Même dard exaspérant, titillante épine, poignard, écharde : autour d’une date abjecte, les amis bâfrent comme autant de frelatés frelons, taons et abeilles énormes, guêpes de taille ! Les amis ont tous des aiguillons plantés dans votre saloperie. Il faut s’en débarrasser le plus tôt possible et rentrer en soi pour ne plus en sortir jamais.”

 2) L'Araignée

Araignée souriante, Redon  / Toile d’araignée, Nabe
      

-Patience 2 (2015)  : Comment évoquer par le dessin le Prophète sans le représenter?

  “Ça rappelle l’histoire du Prophète dans la sourate L’Araignée. Oui ! Le Prophète avait trouvé refuge dans une caverne et une araignée avait tissé une toile sur toute l’ouverture, pour protéger le fugitif. Quand ses poursuiveurs sont arrivés devant l’entrée de la grotte, ils ont vu la toile et ont dit : « Il n’a pas pu entrer, sinon il aurait crevé la toile ! » Ce serait merveilleux pour tous les musulmans ou simples admirateurs de l’islam que symboliquement les vengeurs du prophète Muhammad finissent­ dans­ une­ grotte­ arachnéennement­ entoilée. D’ailleurs, ce serait ça, la seule « représentation » possible du Prophète : l’entrée d’une grotte fermée par une grande toile d’araignée… Muhammad est dedans et personne ne le voit. Caché au fond (derrière l’image ?) et protégé par la toile intacte… C’est l’occasion pour tous les dessinateurs de montrer leur bonne foi. À vos crayons, non-islamophobes !”

 -L’Enculé (roman,2011) : DSK, nouvellement emprisonné à Rikers Island, se passionne pour une araignée (Internette) qui partage sa cellule. Il la regarde tisser sa toile au moment où lui-même perd peu à peu son réseau au sein du FMI :

“Mon regard est attiré par quelque chose de brillant dans un coin. C’est une toile d’araignée avec l’araignée au centre en pleine action. Je n’ai jamais eu peur des araignées, au contraire. Comme dit le proverbe africain, “tuer une araignée, c’est tuer sa mère”.Je m’approche. Voilà pourquoi ça brille, c’est sa salive de diamant qui enrichit son tissage de mille incrustations précieuses et argentées. Son travail est déjà considérable ; elle a dû le commencer il y a plusieurs détenus de cela. C’est sa cellule plus que la mienne, je suis intimidé par tout cet argent. Ses fils subtils reliés les uns aux autres dessinent des losanges, des hexagones, des dodécaèdres subintrants du plus majestueux effet. [...] Je la baptiserais volontiers Pénélope, si je considérais que cette merveilleuse araignée si patiente et courageuse m’appartenait d’une quelconque façon, mais surtout je n’ai rien, mais alors rien d’Ulysse...Plus prosaïquement, je l'appelle Internette”.

 3) Le vétérinaire pour insectes

-Printemps de feu (roman,2003) : Scène du vétérinaire pour insecte Irakien qui veut préserver ce qui est petit et précieux.

extrait du roman / scarabée de Dürer

4) Les papillons

-Au régal des vermines

  “Sam Woodyard a du mal à couper sa viande. Monk savait à peine prendre le métro. On est loin des poissons dans l’eau d’aujourd’hui, actifs et mondains, sinueux et fortiches, habiles et débrouillards : il n’y a que les escrocs qui sont débrouillards. Dans l’existence, il y a les papillons et les hippopotames. Ariel, c’est peut-être un papillon, mais ça reste Ariel. L’Hippopotame, c’est Shakespeare.”

 -Coups d’épée dans l’eau (recueil des retranscriptions des entretiens donnés dans divers médias par Marc-Édouard Nabe entre 1984 et 1999): Nabe à tous les invités de l’émission Apostrophes :

 “[...]comme des papillons, je vais vous clouer sur mon liège c’est-à-dire mon journal intime, et demain vous serez tous immortels pour moi”.

    Les chiens                

-Inch’Allah (journal intime, 1996) : “Basket”, le chien de Gertrude Stein.

“Débauche de portraits de Gertrude Stein. Elle m’en donne du mal la vache… Je feuillette la liasse de photos confiées par Dachy et lave presque trente variations gouachées sur sa gueule de romaine massive, avec ou sans Alice Toklas tout asperge auprès d’elle, plus ou moins en gros plan… Je réussis mieux Gertrude en pied habillée de ses toges bizarres. Je m’amuse à placer son fameux chien Basket dans ses bras ou pas loin…” (14 février 1987)

Gertrude et son chien, Nabe, encre et aquarelle, 24x32cm
                                        

 - L’Enculé : Le bouledogue beige et blanc surnommé “Martine Aubry” :

“-C’est un sharpei… m’avancé-je. Ou un carlin ?

-Non, me corrige le type, c’est un bouledogue tout simplement. Un bouledogue allemand.

-Ah, bon. Et il a deux trois mois…

C’est un chiot en fait. On me l’offre bébé pour qu’il s’habitue à moi, s’attache… Il est beige et blanc avec une sale tête écrasée et des yeux tombants, mais a l’air gentil. Je me dis que je m’en débarrasserai plus tard. Pour ne pas vexer le donateur, j’embarque mon nouveau copain…

-Copine… C’est une femelle…”

“-Martine Aubry ! Couchée !

Anne a de plus en plus de mal à se faire obéir de cette chienne. Il semblerait que depuis qu’elle a un nom, elle se rebelle davantage. Et comme c’est ma femme qui se tape toutes les sorties de madame la bouledogue, ça met une mauvaise ambiance…”

 -L’Homme qui arrêta d’écrire (roman,2010) : Symbole du sauveteur de l’homme mais aussi de Saint-Bernard de Clairvaux de La Divine Comédie dont le livre est une transposition, le saint-bernard :

“Un chien est là, devant nous. Comme s’il nous attendait. Emma le caresse. Je vois accroché à son collier un petit tonneau. C’est un énorme chien des neiges, un saint-bernard comme celui que j’ai connu à Val d’Isère dans mon enfance… La gueule impassible, solennelle presque.Emma prend un couloir, et avant d’y disparaître, se retourne une dernière fois pour me lancer un sourire cristallin. Le saint-bernard se frotte à moi. Puis il avance, je suis derrière, il me guide dans le tunnel. Il connaît les bons couloirs pour sortir, c’est sinistre, ça pue l’urine, il y a des rigoles de pisse, mais pour moi ce sont des fleuves d’or."

"Le saint-bernard et moi marchons en silence sur une sorte de terre battue, mêlée de gravier… On suit des rails en contrebas qui ne mènent à rien. Je n’ai jamais été aussi bien de toute ma vie.[...] Dans le ciel, il y a tout un bordel de jaunes qui se préparent à bondir sur la lumière du petit matin. Le gros chien me regarde, les yeux pleins d’étoiles.”

-Le Bonheur (roman,1988): le chien “Othello”.Le clin d’oeil Shakespearien se fait ressentir au moment où le héros, Andréa de Bocumar, pénètre dans une chambre pour rejoindre sa femme dont il pense qu’elle le trompe avec quelqu’un d’autre. Le chien se mettra à ce moment précis à aboyer partout dans la chambre à coucher :

“-Othello ?...

-Oui Othello, c’est mon chien. Certes je vous l’accorde il ne s’agit point ici d’un de ces petits toutous qu’on voit partout et dont la race saute aux yeux comme une poignée de puces sur un… chien.

Andréa regardait cette bête insensée, croisement inhumain entre une sorte de teckel et de chien polaire, très bas sur patte avec un grand corps : seul un regard d’handicapé ayant peur du ridicule gâchait la noblesse d’une tête si mal portée.

Téyaf appelait ça un basset allemand, et se félicitait dans un grand sourir inquiétant de la réussite de son cocktail racial qui tenait davantage de l’eugénisme expérimental nazi que du concours canin le plus chic du château de Windsor. Othello avait ses petites habitudes que respectait Téyaf scrupuleusement. La bête étrange n’aimait pisser le matin que contre la gare. Il le fallait absolument.”

  -Alain Zannini : Œdipe, le chien de l’inspecteur Zannini qui aide Marc-Édouard Nabe à retrouver son journal intime. Gentil chien qui se laisse caresser par Nabe, qui se cache sous le divan quand une personne se fait psychanalyser, Œdipe réagit à celui qui en a le complexe (“L’Affaire Zannini”, interview de Nabe). Ce n’est qu’à la toute fin du roman que le chien aboie (lors de l’autodafé du Journal) et que sa race est révélée.

 -Je suis mort (roman, 1998) : le chien symbole de fidélité dans le “Cimetière des Agneaux”. Présence également du papillon, de l'éléphant et du lion :

“Il y a même des animaux incarnant la fidélité (un chien), le courage (un lion), la mémoire (un éléphant), ou la légèreté (un papillon) des disparus.

  -Lucette (roman, 1995) : les chiens et chats de Lucette et Céline racontés par Lucette :

“-Et tous vos chiens et chats, vous n’en gardez pas la trace ?

-Je ne fais que ça ! J’avais des milliers de bandes magnétiques. Pour moi, les années 90,80,70,60, ne furent qu’une longue série d’aboiements, de miaulements, de pépiements. Depuis la mort de Louis, mes seuls repères sont mes animaux. Je compte par bête, pas par année.”

Couverture alternative de Lucette, Nabe, 2012, encre et aquarelle

 -Le Vingt-Septième Livre (essai, 2005): Lettre ouverte à Michel Houellebecq avec un extrait assez drôle où sont accolés deux prénoms “Clément (chien de Houellebecq) et Raphaël (éditeur de l’époque de Houellebecq) :

“Mais ne t’inquiète pas, ton livre moins apprécié et moins vendu que prévu renforce ton côté “néo-Céline”... Tu t’es déplacé, comme lui en 1932, devant chez Drouant pour écouter le résultat, mais Céline, lui, s’était fondu dans la foule avec sa mère et sa fille. Toi, on t’a vu au grand jour, flanqué de tes deux chiens (Clément et Raphaël), tout dépité et pestant contre le jury.”

 -J’enfonce le clou (essai, 2004) : “Nadine et ses chiens”, évocation de Nadine Trintignant insultant les journalistes de “bande de chiens” après l’homicide de sa fille.

 -Au régal des vermines : La scène de masturbation. 

“ Ma bouche bée comme une huître, ma langue de chien laisse pendre un halètement saliveux, je renverse la tête sur ma nuque basse, la raie trempée, l’anus qui fond en larmes, tous les poils baignés d’une douce sueur, le pied se cambre furieusement vers la plante avec la même violence qu’y mettrait à le briser un très méchant marteau, et ça y est : dans un raclement de fauve pris au piège, je vois de grandes ourses partout, je me sens fondre, je suis affreux, j’ai envie de pleurer, je regarde ma main : un paquet gras et visqueux de gélatine yogourtesque pend à mes doigts en filandreux crachat de vie, de vie à l’état pur.”

  -La Marseillaise (essai,1989) : livre sur le saxophoniste de Jazz Albert Ayler et sa “Marseillaise” 

 “Ayler a tout mis dans la Marseillaise. [...] ça devient l'exhibitionnisme d’un loup-garou enragé. ça devient l’égorgement de coqs offerts en sacrifice par une secte vaudou.

Convulsions épileptiques d’un cobra. [...] Ayler découpe des dentelles de canard.[...] Chiens qui hurlent à la mort.”

   Les singes 

-Au régal des vermines :

 “Je vis pour tous les singes, les sourdines, les « gares » de Gen Paul, la nuque d’Erich von Stroheim et la souplesse effrayante de mes Poignets…”

  “ J’ai tout à fait l’air du singe intellectuel sous-alimenté que je suis.

“Un jour, ils me pendront, moi, comme un fruit étrange. « Nous ne sommes pas des singes ! » S’ils savaient ce que je pense des singes…”

“Oui je suis rempli de fascisme dans mon attitude. Je l’ai assez entendu dire pour ne pas retourner cette insulte et essayer d’en être digne ! Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces. Au vieux singe nazi…”

 -L’Enculé

  “Brusquement, j’ai ouvert la porte. Je bandais comme un gorille et ruisselais de partout. King Kong sortant des eaux.”

La passion de DSK pour les nasiques expliquée par Nabe lors d’une interview : “Tristane Banon, dans sa première interview chez Ardisson, raconte que DSK lui avait fait l'impression d'un chimpanzé en rut. J'ai gardé cette métaphore et je l'ai filée. Et je me suis dit : pourquoi ne l'assumerait-il pas lui-même? À partir du moment où il assume d'être un singe, pourquoi ne se métamorphoserait-il pas, de façon kafkaïenne, en chimpanzé ou en gorille suivant le moment de la journée? Et puis il a cette passion des nasiques, un singe que j'adore parce qu'ils sont drôles, à la fois grotesques, touchants, encombrés par leur trompe, avec toute la symbolique sexuelle qui va avec.”

Extrait de L'Enculé :

“-Tu regardes un reportage sur les babouins ?

-C’est pas des babouins.

-C’est quoi, alors ?

-Des nasiques, voyons, ça ne se voit pas ?

Elle rit

-C’est rigolo en tout cas !

-Qu’est-ce qu’il y a de rigolo ?

-Ben, l’animal.

-Quoi, l’animal ?

-Avec son gros nez qui pend. Grotesque !

-Tu te moques des singes !

-Je ne me moque pas des singes, mon amour…”

 -L’Eunuque raide (2014) : le singe hurleur

Chats et félins

-Coups d’épée dans l’eau  : “La télé est un lion”

“Un véritable artiste n’a peur de rien et doit pouvoir descendre quand ça lui chante dans l’arène aux lions, comme tout martyr qui se respecte.”

 - Une Lueur d'espoir (essai, 2001) : à propos des "simplificateurs d'esprit" sur la compréhension des attentats du 11 septembre 2001 : 

"Ils ne comprennent pas que ce n'est pas le fanatisme qui passe à travers eux, mais eux qui passent à travers le fanatisme, comme des lions à travers un cerceau de feu ! Qui est le dompteur ? ... Ben Laden."

-Au régal des vermines :

Sur Léon Bloy :

“Bloy est devenu depuis lors l’un des animaux sur lesquels j’ai opéré mes plus passionnantes dissections.”

“Moins musicale que celle de Céline, mais plus plastique, la phrase de Bloy est une lanière de bonne longueur, tachée de sang. Il écrit dans le sens de la boucle. Tout Bloy est dans la charpente d’une syntaxe d’une inégalable solidité. Sous ses voûtes, le Belluaire déplace ses flagellantes épithètes, ses majuscules cravachantes, ses verbes noueux, ses envols souples d’adverbes et d’adjectifs abscons sur le dos de ses noms, lourds comme des tigres ! Toutes ses portées de zébrures aux notes de plaies ! Je le vois bien habillé en dompteur d’ailleurs. Avec le costume doré et tout, les bottes, le tabouret et le fouet, gros lion lui-même, hirsute avec la méchante moustache blanche polaire ! Au martinet des italiques ! À la hache dans le pastel !”

“Mais cette écriture au nerf de bœuf bastonne par sa densité. Ce qui frappe, c’est l’énergie de la tenue : que ce soit dans les « Aventures de Léon Bloy » que constitue son fantastique journal, dans les démolitions ou les méditations : toujours ce café serré de l’Agression. Les périodes de sophismes, la rhétorique oratoire d’une subtilité diabolique et ce que Barbey appelait les « articulations de sa démarche de lion » – tout est magistralement soutenu dans le corset d’un ton exalté et dégoûté, scandalisé, outré, outragé… Si Céline parle de dedans, Powys de dessous et Suarès d’en haut, Bloy, lui, parle de loin, de très loin, des coulisses de l’horizon.”

 Sur Hélène :                 

 “Taille de guêpe. Épaules de lionne. Deux yeux bleus de gris dans une face de panthère. La mise en place de ses hanches et le tempo de son bassin réveillent tous les glands oisifs, font sourire les méats mornes, troublent les dards dodus ! Ô ce derrière dur comme du marbre ! Avec la raie sur le côté ! Et cambrée comme une bête ! Est-ce uniquement sa robe à rayures qui lui donne l’air sauvage ? Quelle Tigresse en soie ! Regardez ! Elle porte un slip en pur coton qui lui moule les lèvres, les repoussant sur la gauche : c’est émouvant.”

“Plus animale que moi, mais moins végétale, la Panthère aux Yeux Pers, dans son désir de n’être pas complètement humaine, refuse de se disperser dans la vulgarité d’un but ou d’une activité quelconque.”

“Ma femme est une Panthère ! Et l’une des plus dangereuses ! C’est pas Bagheera du tout ! J’en ai pour toute ma vie à me panser les plaies d’avoir découvert cette férocité.”

 Sur son père (Marcel Zanini) :

“C’est le Roi de la Jungle. Un félin dans une forêt : il mange un morceau et il laisse le cadavre aux autres. Avant qu’on lui arrive à la semelle !… Mon père est un génie de l’art de vivre. Pour lui, le Paradis terrestre, c’est ce que nous avons autour de nous : il évolue dans le monde comme un enfant dans un magasin de jouets. Il est passé au travers de tout allègrement. Il a droit à son chamois de skieur”.

 Sur sa propre écriture :

“Je veux des livres qu’on puisse ouvrir n’importe où : Les Carnets de ma Merde. Joli titre. Que vont-ils comprendre, ceux qui n’aiment comprendre que ce qu’ils ne comprennent pas ? Ici, tout est compréhensible : j’appelle un chat un tigre. J’ai de ces félins la détente. Mais le bond de mes phrases appartient davantage à l’ordre simiesque. C’est celui qui swingue le plus. Ainsi que des ouistitis bondissants.”

  Sur Pin-up :L’adoption de cette chatte est racontée dans Tohu-Bohu, elle constitue aussi un personnage dans Le Bonheur et Alain Zannini. (fiche wikinabia : https://wikinabia.com/Pin-Up)

“De retour aux Épinettes, Andréa découvrit une pensionnaire de plus dans son studio : Athénée lui présenta une petite chatte blanche tigrée beige et noir avec un air unique d'étonnement halluciné. Les mémères l'avaient convaincues d'en prendre un chez eux de chat. Enfin ! Athénée connaissait l'esclavage mais la Duchette de Gouttière l'avait fait trop flancher avec ses yeux verts, le même vert que les siens et ceux d'Andréa : c'était le signe.

Ça en ferait 3 paires idem ! Ô la belle Baronne du Ruisseau ! Et pimpante avec ça ! Rose de museau ! Plastron neigeux !

— Comment l'as-tu appelée ? demande Andréa en la caressant.

— Pin-Up.

— Pin-Up ? C'est tout ?

— Pin-Up tout court. Ça ne te suffit pas ?

— Si, si... “ (Le Bonheur)

 -Patience 4 (2019) : Pornabe (120 photos pornographiques); magazine foutrement protestataire du mouvement #metoo de l’auteur protestant.

“Loin des chattes, j’étouffe comme un poisson, moi !” (Au régal des vermines)

  -Visage de turc en pleurs (récit,1992): récit illustré du voyage à Istanbul de Nabe. S’en suivra une exposition intitulée “Turqueries”.

 

Chat au cimetière, Nabe, 1992, encre
     

 -Chat bleu :

 

Chat bleu, Nabe, 1983, encre et aquarelle

-L'Âge du Christ (essai, 1992) : Nabe relatant sa communion à 33 ans et après avoir mangé sa première hostie. Extrait de la fin du livre riche de sens et de symboles : 

"Le jour s'est levé pendant ma première communion. Une belle lumière pâle inonde Jérusalem. Il fait beau comme une bête. Le ciel bleuit de plaisir. J'ai un peu froid. En m'éloignant, près d'une poubelle, je surprends un petit mouvement. Un chat finit un poisson."               

-Je suis mort: Passage sur la sereine solitude du mort dans son cercueil.

“Je suis dans mon tiroir. Quel merveilleux avant-goût du tombeau ! Il y avait une éternité que je ne m’étais pas retrouvé ainsi seul, tranquille, méditatif. Je peux jouir de ce luxe : la solitude.

Une solitude serrée, dense, vrais. Meilleure que celle du tigre arpentant, entre deux sommes, la splendeur de sa jungle ; [...] meilleur que celle du papillon paon-de-jour qui, au moment de mourir, revoit défiler toute sa journée [...]; meilleur que celle du manchot empereur numéro 76 au milieu de la foule de ses congénères tourmentée par le blizzard de l’Antarctique.”

  Les rats

-Zigzags (essai,1986) : “Hommage au rat de bibliothèque”

-Au régal des vermines

“Je n’ai qu’une passion : les livres. Pour moi, ce qui n’est pas dans un livre ne vaut rien. Tout ce qui est en dehors de la page faite ou à faire n’est qu’un sinistre brouillon. La vie est à mettre au propre. J’ai toujours considéré la pensée comme un rat qui grignote une poutre dans une vieille ferme.

 “Je suis intéressé par les problèmes de boucherie : j’y trouve une énormité philosophique que ma vénération pour Soutine, dont l’œuvre n’est qu’une apologie troublée de la vie des viandes mortes, couronne. J’imagine en bandant la dramaturgie de l’ancienne Villette, le plus beau décor de tous les temps, avec ses échaudoirs bondés, ses salles d’abattage aux précaires hygiènes, toute cette chorégraphie de garçons de boucherie errant dans le brouillard d’évaporation des carcasses, le merlin à la main… Féerique ! À travers la buée mauve maculée de sang, les transports de bœufs prétendument morts, déshabillés au fendoir comme un strip-tease au hachis de la cisaille, comme une haute couture périssable, les veaux « soufflés » à la musique, toutes les dépouilles travaillées minutieusement comme par des bijoutiers, des orfèvres-chevillards ! Fatch ! Il y aurait tout un film kitsch à torcher dans ces locaux, parmi les rats, les abats fiévreux, enrubannés tous des relents de « maturité express »…”

 “J’étais là, un jour parmi d’autres, plus las que les très las, très sollicité par le suicide au revolver, comme un sommeil qui n’arrive pas. J’étais, comme ça m’arrive souvent, incapable de parvenir jusqu’à mon instinct de conservation, et je trouvais que la chance de pouvoir m’exprimer commençait à se faire un peu trop attendre : depuis dix ans j’étais prêt et personne ne le savait… Les cloches sonnaient. Plus un seul rat dans la sacristie…”

 -Aux rats des pâquerettes (essai,2019) : pamphlet/ fable réelle, sur les Gilets Jaunes :

“Le reste est sur Google, puisque vous ne jurez que par Internet, bande de rats ! Le papier, ça coûte cher ! Oui, vous êtes des rats et même des rats des pâquerettes ça y est ! J’ai trouvé mon titre … Vous sortez tous les samedis, comme des rats, et vous revendiquez des pâquerettes : pouvoir d’achat, Smic, fin de mois, taxes, RIC… On a compris. Rats des villes devenus rats des champs (Élysées) !”

   Les oiseaux

  photo d'une interview de Nabe, février 2020

 -Au régal des vermines

“Les vérités sont toujours de mauvais augure, et comme les mauvais augures sont stylisés sous la forme d’oiseaux, ayant toujours été pris pour un oiseau, j’essaie du moins d’être un oiseau optimiste : un oiseau optimiste de mauvais augure…”

“Si j’insiste sur les allures, c’est que pour moi, il n’y a que des corps… L’âme n’est pas un oiseau enfermé dans la carcasse. L’âme suinte du corps. L’âme, c’est le corps. C’est l’allure présente. Tout ce qui est présent est une âme.”

 “Ce n’est pas un hasard si le standard préféré de Parker s’appelle Out of Nowhere. Hors de Nulle Part, quel programme ! Pas seulement n’importe où loin du monde, mais en dehors d’ailleurs : on voit très bien ça dans le regard de l’Oiseau”.

-L'Oiseau de Dieu (Revue Jazzman, mars 2005) : Avalanche d'espèces d'oiseaux

"Qu'importe ! L'Oiseau est là, il prend le monde de haut. On dit « l'Oiseau », mais ce n'était pas un oiseau, c'était une cage à oiseau, aux mille oiseaux ! Aigle avec Gillepsie, corbeau avec Miles. Plus faucon que Coleman Hawkins ! Condor planant avec les cordes. Fou de Bassan piquant dans les vagues be-bop ! Pélican dévorant ses disciples ! Rouge-gorge tout intimidé devant Lester Young. Pigeon au début, albatros à la fin ne pouvant plus entrer nulle part à cause de ses ailes. Paon faisant la roue dans des rythmiques carrées. Poulet au ténor, et même canard quand son anche siffle !
Et puis petit moineau. C'est ainsi que la baronne Nica l'a trouvé un soir sur son paillasson, évanoui."


-Loin des fleurs (poésie, 1999) 

 -K.-O. et autres contes (contes,1999) : “Le roi et l’oiseau”. Conte émouvant où un oiseau opère la résurrection non pas de la défunte épouse du roi mais de l’amour qu’il avait pour elle.

 -Céline et toto : peinture de Nabe

  Céline et Toto, Nabe, 2015, encre aquarelle et pastel
          

  Les éléphants

-L’éléphant indien (Nabe)

-Kamikaze (journal intime, 2000):

“La lumière, désormais pour moi,ce sont les morceaux de toile vierge que je laisse. Ici,c’est le grain de la toile à peine imbibé de térébenthine grisâtre passée aquarelliquement qui suffit à donner la masse éléphantesque. Plus le sujet est lourd plus la touche doit être légère. [...] Certaines parties comme la défense blanche qui s’enfonce dans le tigre orange giclent d’un sang vermillon.”

  Chasse au tigre empalé, Nabe, encre et aquarelle, 24x32cm
                                 

-Le Bonheur : L’éléphant “Poupoule” au zoo qui a un problème de mémoire d’éléphant.

-K.-O. et autres contes
: “L’éléphant mémorable”. L’histoire d’un éléphant blanc très rare traqué par son chasseur et qui perd de la mémoire lorsqu’il est blessé. Le hic c’est que cet éléphant ne peut être tué quand il possède encore en sa mémoire celle d’une tierce personne.
“Tout le monde savait que les éléphants avaient de la mémoire, il était donc fatal qu’un des leurs possédât celle d’un homme, et qu’elle absorbât, telle une éponge, toutes ses remembrances”. 

-Zigzags, “Vision Hannibalique” :

“Souvent quand je suis saoul, je vois des éléphants roses au Mont-Cenis, menés tant bien que mal par le haut Carthaginois… Hannibal le haineux tartarinant l’Alpes hostile ! Quelle vision ! Je pense aux surréalistes qui n’ont jamais pu arriver à la cheville d’une patte d’un des éléphants d’Hannibal.Une armée entière de 80 000 fantassins et 10 000 cavaliers avançant au ralenti en mille-pattes militaire, grand serpent très souple de ferrailles et borborygmes

Deux bœufs, loin des étables, tombent dans un précipice. Des mulets affolés affolés sont gobés par le gouffre.Les éléphants font de la luge sur les boucliers. Avec un pointillé avant le suicide : trois éléphants de suspension…”

-L'éléphant fragile (titre d'un chapitre supprimé au roman Alain Zannini, lisible dans L'Affaire Zannini) : scène d'échange entre une partie du journal intime de Nabe volé avec un éléphant en porcelaine.

   La girafe

-Rideau (essai, 1992) :

 “Les jeux télévisés sont extraordinaires, ils ont atteint en quelques années une bêtise surnaturelle à faire génuflexer les plus pieuses girafes d'Afrique ! “

   Loups

-Patience 3 (2017) : Illustrations (un loup et un chien) par deux photos côte-à-côte  d'une réflexion de Nabe : 

"Jusqu'à sa devise (Nabe parle de l'artiste Beuys) : Chaque homme est un artiste ! C'est aussi faux et cynico-ironique que Le travail rend libre..."


au dessus : I like America and America likes me, 1974, Beuys / au dessous : Hitler et son chien Muck, 1938

-Peinture de Nabe (2016, encre)

  Chevaux et ânes

-Peintures de Nabe

Stevensen et Modestine / Cavalier arabe (Nabe)

     "Comme R. L. Stevenson, avançant sur son âne dans les Cévennes, Boisrond est dans l’euphorie du déplacement de sa tristesse."("Le courage de la fraîcheur", Nabe, 1996)

  Poissons et amphibiens

-Aquarium de Nabe (1987, aquarelle)


-Zigzags (“Le sucrier velours et autres dandys”) : 

“Moi je suis un loup, très frais certes, mais pas pour longtemps sur l’étal de la poissonnière, bien rutilant sous le cagnard, le monocle énorme…”

 - L’Âme de Billie Holiday (essai,1986)

“Charlie Parker était un oiseau, Billie Holiday est un poisson, un poisson-chat. Elle s’insinue félinement dans les eaux territoriales, elle grogne par les vibrations de sa vessie natatoire. Elle ondule comme une truite d’un livre en plein élan. Lady Day est fusiforme, anguilliforme. Sa peau est rendue un peu rugueuse par des petites écailles saillantes. Elle chante sous l’eau. Elle fait des bulles. Elle swingue en état d'apesanteur, de flottabilité parfaite, ses inflexions sont les éclairs argentés de ses flancs qu’une brusque propulsion fait surgir des flots. Elle a tout des poissons. La paresse du poisson-scie qui oscille de la queue et les harmonieuses saccades éblouissantes de la raie. Billie Holiday se déplace par les battements gracieux d’une paire de nageoires pectorales aux formes élégantes. Espadonne blessée, Lady Day montre souvent ses parties inférieures claires. Sa chair est toxique.”

-Au régal des vermines :

“Sam Woodyard a du mal à couper sa viande. Monk savait à peine prendre le métro. On est loin des poissons dans l’eau d’aujourd’hui, actifs et mondains, sinueux et fortiches, habiles et débrouillards : il n’y a que les escrocs qui sont débrouillards.Dans l’existence, il y a les papillons et les hippopotames. Ariel, c’est peut-être un papillon, mais ça reste Ariel. L’Hippopotame, c’est Shakespeare.”

“[...] ils passent leurs journées en d’inutiles sacrements pour la chasse, pour les «mystères » du soir, les rites et les lentes processions en pirogues à travers des rideaux de poissons volants !…”

 -L’Âme de Billie Holiday

“On continue : Ben Webster : très grosse pointure, du 45 fillette. La grenouille on l’appelait chez Duke à cause de sa quasi-exophtalmie. Une bouche de poisson aussi et un vibrato qui ne vient ni des lèvres, ni du nez, ni des doigts mais du menton.”

   Le cygne

-Oui (essai,1998): “Le Cygne noir”, texte sur Eric Dolphy.


   Les porcs

-Non (1998, essai) : Le Pen vous fait jouir

“Vous, porcs de l'humanisme, vous n'êtes plus crédibles, vous croyez que mes insultes sont gratuites mais votre sérieux se paiera cher…”

 -Patience 1 (2014) : 

“[...]comme des chiens de Pavlov. Je dirai même des porcs de Pavlov”

 -Au régal des vermines :

 “J’ai une haine, moi, contre les ouvriers à peine concevable : je suis sans pitié pour la mise en larbinage total de cette race de porcs hargneux et geignards.”

 -Les Porcs (essai, 2017) :“Une fresque littéraire, politique et historique peinte au plafond de notre époque sur un fléau dont de plus en plus de gens prennent conscience : le complotisme.”

Un livre où chaque description de personnages, de situations ou d’anecdotes pourraient être symbolisées à la façon d’une fresque murale comme Michel-Ange l’eût fait pour la représentation de la Bible.

Un livre dont le combat contre “les porcs” est aussi à rapprocher de Léon Bloy : « OUI, MARTINEAU, JE M’ACCUSE D’ÊTRE UN DÉSERTEUR DE L’ARMÉE INNOMBRABLE & TOUJOURS VICTORIEUSE DES COCHONS » (autographe de Léon Bloy pour la sortie de son livre Je m’accuse)

épreuve lithographiée d'une caricature montrant Bloy tenant en laisse un cochon à deux têtes (celles d'E. Zola et d'A. Meyer),1900

Passage sur Darwin et les animaux :


   Poules et Poulets

-Le Bonheur : Scène de réconciliation entre André et Athénée avec leur dialogue coupé par les “côt-côt” des poules.

Manuscrit du Bonheur

  -Petits riens sur presque tout (recueil d'aphorismes, 1992)          

                                      

   Vaches

-Chacun mes goûts (1986, recueil d'aphorismes) : 

“Léon Bloy, ce sont deux yeux de vache très intelligente, parce que le train qu’elle regarde passer est celui de toute la bêtise du monde.”

   Alligator

-K.-O. et autres contes (1998) : “L’alligator est inhumain”. Conte sur un alligator dévoreur de sexe humain.

   Canards

-Nabe’s dream (journal intime, 1991)) : 

“On voit les canards au bord du lac” (jeudi 14 février 1985, veille du premier passage à Apostrophes)

   Pangolins et Chauves-souris

Interview à Valeurs Actuelles (avril 2020) :

”Pour finir, je vais vous dire, en scoop, un truc qui sera au centre du texte que j’écris évidemment en ce moment sur le sujet : le corona est une sorte d’allégorie réelle, d’illustration incarnée, si on peut dire, du virus hypercontagieux du complotisme qui s’est désormais propagé partout sur la planète ! Et cette pandémie a été envoyé sur Terre par Dieu - qui est la Vérité même - en guise de punition, et à travers les animaux martyrisés. Il va falloir changer d’imagerie et voir désormais Dieu sous la forme d’un gros Pangolin suant des écailles, avec, volant au-dessus de sa tête, le Saint-Esprit, mais non représenté par une colombe ! Par une chauve-souris, cette fois, et qui ricane, une chauve-souris jaune !”

   Zébus

    Bernanos dans son pré à zébus, Nabe, 2020, encre et gouache
               

   Crabes et crustacés 

-Nuage (essai, 1993) :

"La main de Django Reinhardt est un animal à part qui rampe, une sorte de crabe blanchâtre aux longues pinces tordues... On dirait que la main est ventriloque, que c'est de son ventre que ce crabe envoie ses sons inouïs !"

La main de Django, Nabe, 2007, encre


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